Jane Birkin est une actrice et une chanteuse populaire, applaudie, vénérée, adulée. Et pourtant, on sait peu de choses sur elle. Elle a toujours préservé sa vie privée et, dans le premier tome de ses mémoires, « Munkey Diaries », qui vient de paraître, elle se met à nu beaucoup plus intensément qu’elle ne l’a fait sur grand écran ou dans les textes de ses chansons.
Une autobiographie, c’est souvent un peu romancé, édulcoré. Il est difficile de tout mettre sur papier de ses failles, de ses faiblesses, de ses ratés. On préfère célébrer ses propres qualités et ses plus grandes réussites. Jane Birkin, qui a toute sa vie tenu la nuit un journal intime, livre aujourd’hui, non sans audace, une sorte de bilan détaillé de son parcours de jeune fille, de femme et de mère de famille. Avec ses doutes, ses maladresses, ses bonheurs aussi, bien sûr, mais le tout avec cette impression continuelle de ne pas être à la hauteur. Pas professionnellement, avec plus de 90 films tournés en cinquante ans de carrière, et une vingtaine d’albums, même si son succès populaire ne laisse pas aujourd’hui encore de l’étonner, mais personnellement.

Jane Birkin et John Barry
Dans ce premier tome, après avoir relaté sa merveilleuse enfance dans son Angleterre natale, elle revient notamment sur son premier mariage, à moins de 20 ans, avec le déjà célébrissime compositeur de films John Barry. Elle est alors encore innocente, follement amoureuse, et sent vite coupable, terriblement coupable, que son mari n’honore son corps que très rarement. Elle pleure. Elle tombe quand même enceinte, met au monde Kate, mais son mariage n’a d’autre solution qu’elle ne le dissolve au bout de deux ans. Jane, le bébé sous le bras, déprimée, alors que pourtant devenue célèbre Outre Manche après sa participation au film d’Antonioni, « Blow Up« , primé Palme d’Or à Cannes, se réfugie en France d’où des propositions de travail lui sont parvenues.

Jane Birkin et Serge Gainsbourg.
A Paris, un casting, notamment, l’attend, pour un film, » Slogan« , où elle doit donner la réplique en français, qu’elle ne parle pas, à un acteur qu’elle ne connaît pas, un certain Serge Gainsbourg , qui se montre particulièrement désagréable avec elle. Elle perd ses moyens, bredouille, éclate en sanglots, mais est finalement engagée! Horripilé, Gainsbourg lui tourne le dos! On connaît la suite, mais ce que Jane Birkin livre aujourd’hui, c’est donc le quotidien de cette une union folle et passionnée qui a duré douze ans. Et on comprend qu’au fil du temps, la jeune femme, au départ soumise, dépendante, parfois maltraitée, au point de tenter de se jeter un soir dans la Seine, a su peu à peu prendre le pouvoir sur cet homme particulier, génial certes, mais compliqué, presque invivable, en l’aidant à dominer au mieux ses démons, à croire en lui-même et à accomplir son oeuvre géniale. Elle lui donne une fille, Charlotte, qui le fait fondre d’amour et devient l’intendante de sa vie, le débarrassant de toutes les contingences quotidiennes, et quand elle l’a finalement quitté pour un autre homme, le réalisateur de films, Jacques Doillon, qui a dû patienter de longs mois, cela a été pour finir sa mue, sortir de sa propre chrysalide et devenir enfin une femme à part entière. Seule responsable de sa propre vie. Tout en restant l’amie et la confidente de Serge, qu’elle a continué à défendre de lui-même.

Jane Birkin et Jacques Doillon
Dans « Munkey Diaries« , Jane est terriblement émouvante et passionnante. On connaissait très bien l’artiste, pas la femme, et pas ses désirs les plus tendres. Elle glisse entre les pages quelques poèmes personnels et beaucoup de dessins faits au crayon de sa vie familiale. Si la vie et les hommes ne l’ont pas toujours ménagée, elle ne paraît plus leur en vouloir. Sauf, et c’est une révélation, vis à vis de Claude François, qui l’aurait plus qu’atteinte et rabaissée en lui faisant une proposition indigne, ce qu’elle précise avec la seule rage présente dans cet ouvrage que TapageCulture recommande vivement. En attendant le second tome, à paraître en 2019.

Grégoire Colard
Jane Birkin/ Munkey Diaries/ Editions Fayard/ 351 pages/ 22, 50 euros.